Notes pour une allocution devant le Comité Permanent de la Défense nationale de la Chambre des Communes
Notes pour une allocution devant le Comité Permanent de la Défense nationale de la Chambre des Communes
Par l'honorable Jean-Pierre Plouffe
Commissaire du Centre de la sécurité des télécommunications
Le mardi 21 mars 2017
L'allocution définitive fait foi
Monsieur le Président, mesdames et messieurs les députés, je me réjouis de prendre part à ce Comité. Je suis accompagné par Monsieur Bill Galbraith, mon directeur exécutif.
Vous avez un exemplaire de mon curriculum vitæ et de ma notice biographique, je ne les répèterai donc pas ici. Toutefois, je voudrais insister sur deux points.
Le premier point est la valeur qu'a pour moi la première décennie de ma carrière en tant qu'avocat militaire du Cabinet du juge-avocat général des Forces armées canadiennes, et par la suite dans les Réserves actives à la fois en tant qu'officier défenseur et juge militaire de la Cour martiale. Cette expérience m'a permis de bien comprendre le rôle du CST, en particulier lorsqu'il implique le soutien des Forces armées.
Deuxièmement, je voudrais souligner que mes dizaines d'années d'expérience en tant que juge, poste pour lequel l'indépendance et l'impartialité sont primordiales, m'ont été très utiles pendant plus de trois ans en tant que commissaire du CST. La détermination des questions de conformité à la loi, en fonction de faits suite à l'examen des activités du CST, cadre bien avec une carrière judiciaire.
La Loi sur la défense nationale, qui fixe le mandat de mon bureau et du Centre de la sécurité des télécommunications, exige que le commissaire soit un juge à la retraite ou un juge surnuméraire d'une cour supérieure.
Voici quelques points clés sur le rôle et le mandat du poste que j'occupe.
- le commissaire est indépendant et sans lien de dépendance avec le gouvernement;
- mon bureau a son propre budget accordé par le Parlement;
- j'ai tous les pouvoirs en vertu de la partie II de la Loi sur les enquêtes, qui m'accorde un accès complet aux installations, aux fichiers, aux systèmes et aux membres du personnel du CST, et qui me confère le pouvoir d'assignation, au besoin.
Mon mandat comporte trois volets :
Premier volet : Examiner les activités du CST pour déterminer si elles respectent la loi, y compris en ce qui concerne la protection de la vie privée.
Ceci est la majeure partie de notre travail.
Deuxième volet : Je peux recevoir les plaintes et mener toute enquête que j'estime nécessaire à cet égard. Les plaintes sont rares, ce qui correspond
au fait que la plupart des activités du CST concernent l'étranger.
Troisième volet : J'ai le devoir d'informer le ministre de la Défense nationale et le procureur général de tous les cas où, à mon avis, le CST pourrait ne pas avoir agi en conformité avec la loi.
Le rôle externe indépendant du commissaire, axé sur le CST, aide le ministre responsable du CST dans son obligation de rendre compte au Parlement pour cet organisme.
Permettez-moi maintenant de souligner quatre questions clés sur lesquelles je concentre mon attention.
Ma principale préoccupation concerne la partie V.1 de la Loi sur la défense nationale, la section qui décrit le mandat au CST et de mon bureau, et qui est entré en vigueur dans le cadre de la Loi antiterroriste lorsqu'elle a obtenu la sanction royale en décembre 2001.Cette législation a maintenant presque 16 ans et doit être révisée. Permettez-moi de donner une brève explication.
Tout d'abord, la partie V.1 comporte des ambiguïtés, identifiées peu après son entrée en vigueur. Ce n'est pas surprenant étant donné qu'elle a été rédigée à la hâte suite aux événements tragiques du 11 septembre 2001.
Mes prédécesseurs ont commencé à réclamer des modifications il y a plus de 12 ans, afin d'éliminer ces ambiguïtés. Ces dernières sont, à mon avis, simples et ne prêtent pas à controverse.
Depuis 2001, la technologie, les menaces environnantes, ainsi que le paysage juridique ont tous évolué. La loi n'a pas suivi la cadence.
Au cours de l'examen des activités du CST, d'autres modifications ont été recommandées.
Par exemple, à l'automne 2015, j'ai recommandé que la loi donne explicitement le pouvoir au CST de recueillir, de conserver, d'utiliser et de partager les métadonnées. Le ministre de la Défense nationale et le ministre de la Justice ont tous deux accepté cette recommandation.
Les questions relatives aux métadonnées et à la confidentialité, ainsi que la valeur accordée aux métadonnées par les organismes de renseignement pour leur efficacité, en ont fait une question plus complexe qui doit être étudiée avec prudence. Le défi pour les rédacteurs législatifs consistera à avoir une terminologie technologiquement neutre, pour que la loi ne soit pas rapidement dépassée au fur et à mesure des évolutions technologiques; même si cela ne veut pas dire que certaines modifications ne seront pas nécessaires.
Ma deuxième question clé concerne le cadre élargi de la responsabilité de la sécurité nationale, ainsi que l'impact qu'elle peut avoir sur le rôle du commissaire du CST et du bureau.
Le gouvernement a introduit une législation pour créer le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement.
J'ai parlé du projet de loi C-22 devant un autre comité à l'automne dernier. Je pense qu'une plus grande participation des parlementaires, qui ont accès à l'information classifiée, favorisera le renforcement de la responsabilité et la confiance du public. Ce changement se produira-t-il du jour au lendemain? Non, mais c'est un début important.
Nous avons envisagé la façon dont nous pourrions établir une relation productive avec le comité et son secrétariat. Ceci impliquerait évidemment l'orientation indiquée dans le projet de loi tel qu'il a été présenté – que le comité et chaque organe d'examen prendra toutes les mesures raisonnables pour coopérer l'un avec l'autre afin d'éviter toute duplication inutile du travail.
Il reste aussi bien sûr de nombreux autres ministères et organismes qui jouent un rôle en matière de sécurité nationale, mais ne sont pas actuellement soumis à un examen.
Nous attendons d'autres renseignements sur les intentions du gouvernement au sujet des mécanismes de responsabilité de la sécurité nationale suite aux consultations nationales.
L'objet principal de mon propos est que, quels que soient la structure et le cadre général de responsabilité, l'examen des experts, le type d'examen qui est effectué par mon bureau, par le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité (CSARS) et par la Commission civile d'examen et de traitement des plaintes relatives à la GRC (CCETP), est une composante nécessaire et primordiale.
Ma troisième question clé est liée à la précédente.
Le projet de loi C-22 définit la coopération, ou l'échange d'information, entre le comité des parlementaires et les organes d'examen existants.
Mais je pense que la création d'un Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement impliquera, voire exigera, une plus grande coopération entre les organes d'examen existants, en plus de notre coopération avec le comité des parlementaires.
Un certain degré de coopération est possible entre les organes d'examen. Par exemple, mon prédécesseur et moi-même avons envoyé des lettres à mon collègue le président du CSARS avec des recommandations ou des conclusions de nos examens des activités du CST qui impliquent le SCRS. C'est alors au CSARS d'assurer le suivi de ces questions tel qu'il le juge approprié.
Cependant, je pense, et je l'ai déjà mentionné, qu'il doit y avoir un pouvoir explicite dans la législation pour la coopération entre les organes d'examen.
Ma quatrième question clé concerne la transparence. Depuis la divulgation de documents hautement classifiés dérobés de la National Security Agency par Edward Snowden, la confiance du public dans les activités des organismes de renseignement et dans l'efficacité de l'examen ou des mécanismes de surveillance est remise en question.
Davantage d'informations et d'explications quant aux raisons pour lesquelles certaines activités sont menées par les organismes feraient avancer le débat public, comme cela a été le cas au Royaume-Uni. Là-bas, des rapports publics du Comité parlementaire du renseignement et de la sécurité et de l'analyste indépendant de la législation sur le terrorisme ont fourni de nombreux détails qui ont, entre autres, permis de présenter un cas concret pour l'utilisation de certains pouvoirs.
La plupart des personnes impliquées dans ce débat acceptent à mon avis que le secret est une réalité de la sécurité nationale. Les organismes de renseignement ne seraient pas efficaces s'ils ne pouvaient pas travailler dans le secret. C'est pour cette raison que les organes d'examen ont été établis, avec du personnel disposant d'une habilitation de sécurité, pour contrôler ce qui se passe dans les services secrets et évaluer la conformité des activités à la loi.
Le secret et les divulgations de Snowden ont donné lieu à un certain scepticisme. Lorsque le public découvre une collecte massive de données, il veut savoir si celle-ci est vraiment nécessaire et s'il existe des garanties de protection de la vie privée adéquates. Des explications seraient utiles.
Les quatre questions dont j'ai brièvement parlé contribueront toutes, je le crois, au renforcement de la responsabilité des activités liées à la sécurité nationale et au renforcement de la confiance du public. Je suis particulièrement impatient de travailler avec le Comité des parlementaires lorsque ce dernier sera une réalité.
Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de témoigner devant vous aujourd'hui. Mon directeur exécutif et moi-même serons heureux de répondre à vos questions.
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